dimanche 2 octobre 2011


Recensements de l’exclusion :  l’argument de « l’étranger »

Depuis que les marches de Kaédi et de Maghama ont montré la détermination des populations à ne pas se laisser faire par la volonté du régime du général-président de les transformer en apatrides, nous entendons chaque jour des voix qui s’élèvent à travers les médias et qui  veulent alerter les pauvres populations sur le« péril étranger ». Pourtant ces manifestations avaient commencé depuis des mois et étaient écrasées systématiquement sous les bottes des services de répression de l’état, mais aucune de ces voix ne soufflait mot. Dès qu’elles ont quitté le cadre de Nouakchott et que les forces de répression se sont précitées sur la solution des lâches (à savoir tirer sur des manifestants aux mains nues), on les entend discordantes comme le croassement des corbeaux dans un concert de rossignols.

Pourtant cette rhétorique du mensonge est devenue un disque rayé auquel personne ne croit plus. Elle a été utilisée très récemment par tous les régimes arabes qui sont tombés ou en passe de l’être par la détermination de leurs peuples de tourner la page du règne des despotes.

De Ben Ali à Assad en passant par MoubarackSalah et Khadafi, à chaque offensive du peuple, ils sortent, confondus, des arguties telles que « le complot extérieur »,  « la collusion avec Israél »,  « l’infiltration d’Al Qaeda » et autres piteuses parades qui ne résistent même pas à l’assaut d’un moustique. Plus au sud, Gbagbo a sacrifié de milliers d’innocents sur la thèse de « l’étranger soutenu par l’impérialisme occidental ». Ces théories, effectivement très dangereuses, sont des armes à double tranchant puisqu’elles ont fini par faire périr ceux qui les ont brandies.

Des communiqués du ministère de l’Intérieur aux interventions à El Jézira d’un chercheur en sciences politiques, contradicteur du représentant du mouvement « Ne Touche Pas à Ma Nationalité » et apparemment représentant  l’état, c’est l’étranger qui est indexé et qu’on veut exposer,  encore une fois, à la vindicte populaire. Or, tout le monde sait que dans l’esprit étroit des chauvins du régime, tout noir est suspect,  la preuve de sa mauritanité non convaincante car susceptible d’avoir été trafiquée, achetée ou volée. La conception de ce recensement, la composition de ses commissions et la mise en place d’un goulot d’étranglement  autour de l’enrôlement,  sont faites à dessein pour laisser le maximum de noirs de l’autre côté de la barrière. Si le taux d’enregistrement est plus élevé dans les régions du sud, c’est justement parce que les noirs, depuis longtemps ont compris la politique des différents régimes visant à faire d’eux des sans patrie. Il est très rare de trouver un négro-mauritanien  qui n’a pas ses papiers. C’est pourquoi, avoir des papiers d’état-civil en règle ne suffit plus pour justifier la nationalité d’un noir mauritanien non arabophone. Il faut qu’un individu ou un groupe d’individus « privilégiés » décident, en haut, dans des cercles ténébreux, s’il a droit ou non à cette nationalité.  Pour cela, les lois et les institutions de la république sont mises entre parenthèses. Si Aziz n’avait pas compris cela (en faisant référence au taux de recensement dans le Gorgol, au cours de son entretien à Kassataya), c’est que, contrairement à ce qu’il clame, il est très loin du peuple. Les mêmes questions ne sont pas posées à tout le monde et quand certaines le sont, elles visent des objectifs différents. Si le lézard et la tortue sont tous les deux des reptiles, ils ne supportent pas les mêmes coups car la tortue a où mettre la tête.

Par ailleurs, les étrangers que le régime veut vouer aux gémonies, sont des parents, des amis, des voisins, des partenaires, bref des êtres humains qui vivent chez nous et dont la plupart participe au développement économique du pays. Nous avons le devoir de les respecter et de les protéger. Quelque part également, chez eux, nous sommes aussi des étrangers.  Le monde est devenu un village planétaire. Nos compatriotes vivent partout dans le monde et leur sécurité dépend de ce que nous faisons aux autres chez nous. Nous ne sommes plus aux âges farouches  où l’espace d’évolution du clan se limite autour du point d’eau et du champ de patates. Alors ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis.  Ça serait très bête.

Le trafic de drogue, la prostitution, l’émigration clandestine et autres fléaux sociaux cités par nos avocats du diable, sont des phénomènes mondiaux qui touchent tous les pays particulièrement ceux de notre sous-région, compte tenu de plusieurs facteurs qu’ils ont en commun.  Cela ne doit être en aucun un prétexte pour chercher des poux sur un crâne rasé. Notre position géographique (trait d’union entre le blanc et le noir de l’Afrique) ainsi que notre héritage culturel des premiers grands empires ouest africains et du Bilad Chinguit des lumières, sont pour nous une référence qui doit nous accompagner partout et tout le temps, nous permettre de nous aimer, de nous unir davantage et même de faire de la place pour l’étranger qui vient chercher le gîte chez nous.

Balaba

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