lundi 19 décembre 2011


20-12-2011
06:50
'Ce que je sais et ce que je pense ' : Lettre ouverte aux assassins d’Inal.
J’ai lu un extrait du récit de Mohamedou Sy le rescapé d’Inal, intitulé " l’enfer d’Inal. " Emouvant. Quelques passages m’ont donné froid au dos. C’est incroyable. Mon imagination ne pouvait pas me faire croire ne serait ce qu’en rêve, qu’un musulman qui a lu le saint coran peut pratiquer ce genre d’atrocité et de torture sur un être humain.

C’est pourquoi, avant tout, je présente ici mes condoléances aux parents et aux proches des disparus. Que cette terre de laquelle ils ont été arrachés si injustement leur soit légère et qu’Allah le Tout Puissant les accueille dans son paradis. Amine Ya Rabi El Alemine Errahmane Errahim.

La Mauritanie est un pays peuplé de noirs et de maures. De maures toutes couleurs confondues et des noirs toutes ethnies confondues. Je sais qu’il y a des maures et des noirs qui sont très attachés les uns aux autres, qui s’aiment, qui se respectent, et qui cohabitent en très bonne harmonie.

Parce qu’ils n’aspirent qu’à la paix entre les deux races et ne militent qu’en faveur de l’unité nationale réelle sans aucune inclusion de comportement raciste ou discriminatoire. Je sais par ailleurs, et je suis très bien placé pour le savoir, que dans ce pays il y a des maures qui n’aiment pas du tout les noirs et des noirs qui n’aiment pas du tout les maures. Je sais par ailleurs que depuis l’accession de notre pays à l’indépendance de temps en temps des étincelles jaillissent entre les deux communautés.

Je ne reviendrais pas sur les dates de ces événements -parfois très douloureux -ni sur leurs causes pour ne pas lancer une polémique sur des détails qui relèvent maintenant du passé. Depuis donc les années soixante, de temps en temps des étincelles jaillissent.

Elles jaillissent parce que simplement, il y a aussi bien chez les maures (blancs en particulier) que chez les noirs (halpular) de vrais pyromanes qui jouent à la mise à feu de poudrières. Le plus grave c’est qu’ils le font le plus souvent pour des intérêts personnels, des avantages matériels ou pour semer la diversion dans l’un ou l’autre des camps et parfois même simultanément dans les deux camps.

Depuis près de 50 ans, ces maures et ces noirs marginaux donnent l’impression de n’avoir pour préoccupations que de s’investir dans de missions destinées à créer des troubles à caractères raciaux. On ne sait pas pourquoi et dans quel intérêt. Le pire, c’est que ces ’lance-flammes’ omnidirectionnels sont parfois même revêtus d’importantes responsabilités politiques, sociales ou administratives.

Ils sont connus et fichés aussi bien par les renseignements généraux que par les victimes des conséquences de leurs agissements. Mais, j’ai comme l’impression que tous les régimes qui se sont succédé ne peuvent se passer des services de ces forgerons de troubles. Je me demande d’ailleurs si ces régimes ne maintiennent pas l’existence de " ces unités spéciales " pour garder le pouvoir. 

Par le passé, on a pu le constater, quelques fois, " ces unités spéciales " ont été activées par des régimes en place pour déjouer l’attention des citoyens lorsque des questions d’intérêt nationale ou des situations particulières favorisent l’entente et la solidarité entre noirs et blancs. Sinon pourquoi 1966 ? Pourquoi 1984 ?, Pourquoi 1989 ?, et Pourquoi inal ?

Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, 28 militaires ont été pendus à Inal. Puisqu’ils ont été pendus cela signifie qu’une " sentence " a été exécutée. Si cette sentence a été exécutée cela veut dire qu’une décision a été prise. Et si cette décision a été prise cela signifie tout simplement qu’elle a été prise par une personne capable de prendre une telle décision. Et une personne capable de prendre une telle décision, ne peut être qu’une personne dont l’autorité et les ordres ne peuvent être ni contrariés ni contestés.

C’est donc en conclusion une personne au " dessus de la loi ". Je dirais même qu’elle se substitue à Dieu, qui seul, a pouvoir de décision sur la vie ou la mort. Quand un individu décide de la mort d’un autre individu, cela s’appelle ici et ailleurs " exécutions extrajudiciaires ". J’espère simplement que cette personne investie de si puissants pouvoirs n’a pas oublié que les auteurs d’ "exécutions extrajudiciaires " seront jugés et ici bas et à l’au delà.

Quand je pense à ce qui a pu se passer, qu’un être humain innocent les mains attachées derrière le dos et les pieds liés a été suspendu une corde au cou jusqu’à ce que la mort s’ensuive, j’ai une envie folle de cracher au visage de celui qui l’a pendu en lui disant que c’est un assassin, un monstre, un bourreau sans état d’âme et sans scrupule. Un criminel qui vend ses prestations de sale besogne pour un intérêt matériel ou une promotion. Un valet à la solde du diable. Je me demande même s’il est croyant.

Il faut être un monstre sans foi pour exécuter les ordres d’un homme quel qu’il soit ou quelle que soit son importance, sa position dans une hiérarchie ou son niveau de responsabilité au point d’arracher une vie à un être humain innocent. C’est pourquoi je me pose ces questions toutes simples : qui les a fait arrêter et pourquoi ? Qui les a conduits à Inal ? Qui était à Inalpour les accueillir ? Qui les torturait ? Qui les a pendus ? Qui les a enterrés ?

Qui a supervisé leur enterrement ? Qui sont tous ceux qui ont, à tous les échelons, étouffé cette affaire en gardant le silence sur tant de barbarie ? Ce dont je suis sûr c’est que l’histoire rattrapera un jour tous les acteurs de ce feuilleton macabre pour trouver les réponses à toutes ces questions. Parce qu’on ne peut pas garder éternellement le silence sur des agissements aussi graves. Nous devons prendre nos responsabilités pour mettre toute la lumière sur ce drame.

C’est le prix à gagner pour que, plus jamais un individu quelle que soit son appartenance raciale, ethnique, régionale, tribale et quel que soit son rang social, ses responsabilités ne se mette au dessus de la loi. Nous sommes en droit de savoir qui a ordonné d’éliminer ces innocents ? Un à un tous les maillons de la chaine impliqués dans cette barbarie qui obscure une page de notre histoire doivent être identifiés formellement.

Si ceux qui se prenaient hier pour le bon dieu pour décider de la mort de telle ou telle personne se cachent aujourd’hui derrière leur lâcheté pour laisser croire que les pages de l’histoire écrites avec du sang peuvent être tournées, ils se trompent. Parce que nous ne pouvons pas, et rien ne nous autorise à laisser en héritage à nos générations futures un dossier scellé avec du sang humain. Nous avons un droit moral et humain envers nos générations futures. Nous devons donc prendre sur nous, pour la justice et la sauvegarde de notre unité nationale, le courage de chercher d’abord à connaitre toute la vérité, et ensuite à demander pardon.

C’est pourquoi nous devons comme nous le recommande notre sainte religion nous consacrer à demander à ceux qui ont été endeuillés à vie de pardonner ceux par la faute de qui ils ont été endeuillés. Nous devons tout faire pour chercher à refermer définitivement ce dossier pour l’amour de notre patrie et pour la paix.

Il n’est pas explicable et compréhensible que nous continuons à garder un silence qui ne sert qu’à nourrir les spéculations et envenimer l’atmosphère. Ce que nous devons savoir c’est que si nous gardons tous le silence, en estimant qu’il s’agit là d’ " un détail de l’histoire " et nous ne prenons pas sur nous le courage et la responsabilité morale d’en parler, nous risquons de mettre volontairement le feu à une mèche rattachée à une bombe à retardement.

Car il ne faut pas oublier que jusqu’à ce jour la justice court encore derrière les auteurs du massacre de Sabra et Chatilla, les responsables du génocide du Rwanda, les criminels deBosnie, les auteurs des massacres au Cambodge et même des criminels de la seconde guerre mondiale.

Et parce que simplement nous devons nous poser la question suivante : est-ce qu’il faut exposer le pays à des risques inutiles dont les conséquences peuvent être incalculables pour protéger des individus qui sont seuls responsables de leurs agissements et de leurs actes prémédités ou sacrifier une poignée d’individus pour préserver l’unité nationale ? Nous ne devons pas laisser croire que l’affaire des morts d’Inal est une affaire de halpulars seulement. Non.

C’est une affaire de Mauritaniens. Parce que sont des mauritaniens qui ont pendu des mauritaniens. C’est pourquoi j’ai jeté un regard différent sur le problème et je me suis posé les questions suivantes. Et si par exemple c’étaient des maures qui étaient pendus par des pulars ? Et si c’était des soninkés qui étaient pendus par des wolofs ? Et si c’étaient des wolofs qui étaient pendus par des pulars ? Et si c’étaient des maures qui étaient pendus par des soninkés ?

Dans l’un de ces cas de figure qu’est qui serait arrivé ? Il est du devoir de chacun d’entre nous de se plaidoyer en faveur de l’apaisement et de prôner la réconciliation entre tous les mauritaniens opposés par des questions de justice.

Maintenant si, pour l’intérêt de notre pays nous estimons que rien ne sert de revenir en arrière pour ne pas faire saigner davantage cette plaie encore béante, dans ce cas, les religieux, les sages et les bonnes volontés des deux camps doivent jouer l’artisan du rapprochement entre les communautés, et appeler les mauritaniens à une réconciliation nationale voulue, réelle et définitive. La religion musulmane à laquelle nous appartenons tous nous enseigne la tolérance et le pardon.

Je pense qu’un homme, qui a eu le courage et le sang froid de regarder mourir un être humain pendu par une corde sans exprimer le moindre remord, doit avoir aussi le courage de regarder en face le père, la mère ou le fils de cet être humain qu’il a pendu pour leur demander pardon. Parce que de toutes manières il ne lui sert à rien de continuer à se cacher derrière sa lâcheté.

" je demande pardon aux parents et aux proches d’Abdoulaye DJIGOSamba Baba NDIAYE,Samba Oumar NDIAYE, Ibrahima DIALLOMamadou Hamadi SYMbodj Abdel Kader SYSamba Demba CoulibalyDemba DIALLO, Amadou Saïdou THIAM, Mamadou Oumar SYAbdarahmane DIALLOMamadou Ousmane LYMamadou Demba SY,Alasane Yéro SARRAmadou Mamadou BAHLam Toro CAMARASouleymane Moussa BAHOumar Kalidou BAHAmadou Mamadou THIAMSamba SALL,Abdoulaye Boye DIALLOCheikh Tidiane DIA, Samba Bocar SOUMAREMoussa NGAÏDE, Ciradio LÔ, Demba Oumar SYAdama Yero LY, Djibril Samba BAH.

" Je demande pardon à tous les halpulars au nom de tous mes semblables qui refusent aujourd’hui de reconnaitre leurs responsabilités dans ce massacre que rien ne justifiait et duquel on pouvait franchement nous passer. "

" Je demande pardon à toutes ces femmes en deuil, au nom de tous les miens qui ont vécu ce drame comme acteurs ou témoins et qui ont gardé obligés ou inconscients, un silence complice."


" Je demande pardon au nom des miens habitants d’Inal qui ont été réveillés dans les nuits froides du désert par les cris de lamentations et de souffrance des ces mauritaniens qu’on torturait, et qui n’ont pas eu le courage d’en parler."


" Je demande pardon aux enfants de ceux qui ont été pendus au nom de tous les miens qui cultivent encore la haine raciale entre communautés, sacrifiant l’unité nationale pour leur intérêt personnel ou l’intérêt de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre."



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